"Tout le monde décède mais personne ne meurt". C'est sur ces mots que commence Le chien jaune de Mongolie, film germano-mongol de 2005 que les enfants de toutes les classes de l'école Pablo Picasso sont allés voir cet après-midi dans le cadre du projet École et cinéma.
Byambasuren Davaa |
Dans la même lignée documentaire et ethnologique que Nanouk l'Esquimau, que nous avions découvert en décembre dernier, ce deuxième film de la réalisatrice Byambasuren Davaa, nous décrit la vie traditionnelle des nomades de Mongolie.
Nansal, une petite fille de six ans qui étudie à la ville, revient chez ses parents, qui vivent dans la steppe, pour les vacances d'été. Elle y retrouve sa sœur cadette, son petit frère et les tâches quotidiennes d’une famille de nomades.
Le film explore le fossé séparant la vie nomade traditionnelle de celle de la grande ville, qui n'apparaît que sous forme d'objets rapportés dans la yourte (une louche en plastique, une petite peluche à piles, une lampe-torche). La réalisatrice déclare que : « les thèmes principaux du film sont les suivants: Dans quelles croyances, selon quelles valeurs éduque-t-on les enfants aujourd'hui? La tradition et la modernisation peuvent-elles cohabiter ? Que signifie la 'vie moderne' lorsque l'on vit en nomade ?"
Les protagonistes du film ne sont pas des acteurs mais les membres d'une même famille, ce qui situe le film à cheval entre la réalité documentaire et la fiction, encore une fois dans le prolongement de Nanouk l'Esquimau.
L'histoire est d'ailleurs inspirée d'un conte mongol de Gantuya Lhagva, qu'une vieille femme raconte à Nansal:
« Jadis, une famille très riche vivait dans ce pays. Les parents chérissaient leur enfant, une jeune fille ravissante. Un jour, elle tomba très malade. Aucun médecin ne parvenait à la soigner. Son père demanda conseil à un sorcier, qui déclara : «Le chien jaune est fâché. Chassez-le de votre maison.» Le père, incrédule, répondit : «Pourquoi ? Il protège les miens et notre troupeau. Ma fille l’aime tendrement.» “J’ai dit ce que j’avais à vous dire, il n’y a point d’autre remède.» insista le sorcier. Vous savez ce que vous devez faire.» Le père n’eut pas le coeur de tuer son chien jaune. Mais sa fille devait absolument guérir. Alors il décida de cacher le chien dans une cave dont il ne pourrait s’échapper, et où nul ne le retrouverait. Chaque jour, il quittait la maison pour lui apporter à manger. La santé de sa fille commençait à s’améliorer, chaque jour, elle reprenait des forces. Un matin, lorsque le père arriva devant la cave, le chien avait disparu. Sa fille se rétablit complètement. Le secret de sa guérison était le suivant : elle était tombée amoureuse d’un jeune homme, qu’elle rencontrait parfois, secrètement. Grâce au chien jaune, qui éloignait son père quotidiennement de la maison, elle put chaque jour retrouver le garçon qu’elle aimait.»
Le petit chien, « Tatoué », est-il la réincarnation du chien jaune ? Il symbolise en tout cas l’adaptation entre tradition et modernité. Les nomades ne peuvent se permettre de s’attacher à des animaux de compagnie, les chiens s’associent aux loups et attaquent les troupeaux…le père a donc toutes les raisons de refuser la venue de cet animal et pourtant dans sa quête d'émancipation, la petite fille scolarisée à la ville veut le garder et s’oppose à l’autorité paternelle. Rien n’étant immuable c’est l’action du petit chien qui. en sauvant le bébé tombé du chariot utilisé pour la transhumance, obtient finalement sa place dans la famille.
Le cycle de la transhumance et des réincarnations peut alors se remettre en marche, et la vie reprend son court, ponctuée de brèves rencontres avec la vie "civilisée", tout comme cette voiture coiffée d'un haut-parleur qui dans la scène finale croise le chemin de la famille, appelant les citoyens mongols à voter aux prochaines élections. Les cercles sont omniprésents dans le film: tout comme le plan de la yourte ou les objets de forme arrondie utilisés par les nomades, tout est cyclique: rien n'est immuable; tout le monde décède mais personne ne meurt...
LE CHIEN JAUNE DE MONGOLIE : BANDE ANNONCE VOST por ARPSELECTION