lundi 9 mars 2015

B&B

Lundi 9 mars, les CP-CE1-CE2 bilingues de l'école Pablo Picasso sont allés au Théâtre de l'Archipel de Perpignan pour assister à B&B, libre interprétation chorégraphique du conte La belle et la bête par la compagnie Zampa. Dans ce spectacle de danse à la mise en scène impactante, cathartique, les deux chorégraphes Magali Milian et Romuald Luydlin font danser la Belle et la Bête, et l'imaginaire s'empare de la scène.



Psyché ranimée par le baiser de l'Amour,
Antonio Canova, Musée du Louvre 
L'histoire de La Belle et la Bête, que nos enfants ont souvent découverte à travers la version de Walt Disney, provient en fait du conte oral d'Amour et Psyché,  relaté dans le roman d'Apulée, Les métamorphoses (IIe siècle ap. J-C). Psyché, en tant qu'allégorie de l'âme, est souvent représentée avec des ailes de papillons. Elle est si belle qu'on compare souvent sa beauté à celle de Vénus, provoquant la jalousie de cette dernière, qui ordonne à Cupidon de la rendre amoureuse du mortel le plus méprisable qui soit. Mais Cupidon se blesse avec sa propre flèche et tombe amoureux de Psyché. Le père de Psyché, désolé de la voir sans mari, supplie Apollon de la marier. Celui-ci est catégorique: elle doit être abandonnée sur un rocher, où un serpent volant -son futur époux- viendra la chercher. Psyché est abandonnée sur le rocher mais le vent la porte dans un palais merveilleux où son mystérieux époux -qui n'est autre que Cupidon- la rejoint chaque nuit dans l'obscurité, l'enjoignant de ne jamais chercher à connaître son identité. Poussées par la jalousie, ses soeurs réussissent à la convaincre que son mari est en fait un monstre horrible. Une nuit, pour s'en assurer, Psyché allume une bougie et découvre la beauté de Cupidon, mais une goutte de cire chaude réveille ce dernier qui s'enfuit, furieux d'avoir été trahi. Désespérée, elle devra subir diverses épreuves pour pouvoir à nouveau être unie à Cupidon.

La Belle et la Bête, illustration de Walter Crane, 1874
Le conte de La Belle et la Bête est paru pour la première fois en France en 1740 sous la plume de Madame de Villeneuve, et a connu un grand succès à partir de la moitié du XVIIIème siècle. Une jeune femme, prénomée Belle, se sacrifie pour sauver son père, condamné à mort pour avoir cueilli une rose dans le domaine d'un terrible monstre. Contre toute attente, la Bête épargne Belle et lui permet de vivre dans son château. Elle s'aperçoit finalement que derrière les traits de l'animal, souffre un homme victime d'un sortilège.


Mis en scène dans le célèbre film du même nom par Jean Cocteau en 1946 La Belle et la Bête évoque les thèmes de l'amour et de la rédemption, de l'exclusion et du pardon.
« [Ce conte] apprend aux enfants à distinguer la laideur morale de la laideur physique, à favoriser le rayonnement d’une intelligence, d’un cœur, d’une âme que rend timide un extérieur ingrat. [...] Les deux sœurs de la Belle ont épousé deux gentilshommes dont l’un symbolise la beauté et l’autre l’intelligence ; ce n’est pas là le vrai fondement d’un amour solide, mais la bonté. [...] La Belle, voyant à quelle extrémité elle réduit par ses refus la pauvre Bête, passe sous l’impulsion de la compassion unie à l’estime, de l’amitié à l’amour. Des sentiments purs, estime, délicatesse, élégance morale, reconnaissance en sont les motifs. On trouve ici la justification des mariages fréquents à cette époque, entre hommes mûrs, souvent veufs, et filles très jeunes. Il ne restait à ces maris âgés qu’à entourer leur jeune épouse de tous les égards, et aux jeunes femmes à respecter la situation mondaine et la valeur des quadragénaires. » 
(Marie-Antoinette Reynaud, Madame Leprince de Beaumont, vie et œuvre d'une éducatrice, 1971)



Dans le spectacle que nous avons vu au Théâtre de l'Archipel, les portes du sombre château s'ouvrent sur une musique effrayante, cauchemardesque, et dans l'obscurité, d'un magma en mouvement surgissent soudain les éléments du conte traditionnel: une rose rouge, un monstre, puis finalement Belle.






La Bête cherche à inspirer de l'amour à Belle, mais ayant été enfermé et privé du contact des hommes pendant longtemps, il ne sait pas bien s'y prendre. Voiles de mariée, peaux de bêtes, fleurs séchées, chaussures à talons... Au son de "My body is a cage" de Peter Gabriel, il la recouvre de maints artifices matériels mais aussi inutiles les uns que les autres. La Belle se trouve prisonnière dans la cage de sa beauté "à talons", où elle s'ennuie à mourir, et ne ressent pas d'amour pour la Bête.


En effet, dans La Belle et la Bête, la magie des contes traditionnels. où la belle (et passive) princesse tombe amoureuse du prince charmant au moment même où celui-ci entre en scène  ne s'opère pas. La Bête a beau se démener pour faire sortir cette magie de ses mains, à la manière d'un apprenti sorcier, rien n'y fait.




La chanson de Peter Gabriel permet à la Belle de se débarrasser du carcan d'atours qui l'emprisonne dans la cage des apparences, alors qu'elle prend la plume pour en écrire les paroles. Alors, peu à peu, portés par une ambiance sonore aux mille et une sensations, les corps se fuient, se découvrent et se rencontrent. Finalement, la laideur et la beauté fusionnent, la Bête devient humaine et la Belle laisse libre cours à sa part plus animale; on apprend à maîtriser ses peurs et on se laisse séduire par ce que l'on redoutait: on grandit un peu, en somme.

Vous pourrez revoir deux scènes du spectacle que nous avons vu en cliquant sur ce lien (impossible d'insérer la vidéo directement dans ce billet; cliquer sur "vidéo" dans le menu de gauche). Et voici pour le plaisir une scène entre Jean Marais et Josette Day dans le film de Jean Cocteau: