Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, Antonio Canova, Musée du Louvre |
La Belle et la Bête, illustration de Walter Crane, 1874 |
Mis en scène dans le célèbre film du même nom par Jean Cocteau en 1946 La Belle et la Bête évoque les thèmes de l'amour et de la rédemption, de l'exclusion et du pardon.
« [Ce conte] apprend aux enfants à distinguer la laideur morale de la laideur physique, à favoriser le rayonnement d’une intelligence, d’un cœur, d’une âme que rend timide un extérieur ingrat. [...] Les deux sœurs de la Belle ont épousé deux gentilshommes dont l’un symbolise la beauté et l’autre l’intelligence ; ce n’est pas là le vrai fondement d’un amour solide, mais la bonté. [...] La Belle, voyant à quelle extrémité elle réduit par ses refus la pauvre Bête, passe sous l’impulsion de la compassion unie à l’estime, de l’amitié à l’amour. Des sentiments purs, estime, délicatesse, élégance morale, reconnaissance en sont les motifs. On trouve ici la justification des mariages fréquents à cette époque, entre hommes mûrs, souvent veufs, et filles très jeunes. Il ne restait à ces maris âgés qu’à entourer leur jeune épouse de tous les égards, et aux jeunes femmes à respecter la situation mondaine et la valeur des quadragénaires. »
(Marie-Antoinette Reynaud, Madame Leprince de Beaumont, vie et œuvre d'une éducatrice, 1971)
Dans le spectacle que nous avons vu au Théâtre de l'Archipel, les portes du sombre château s'ouvrent sur une musique effrayante, cauchemardesque, et dans l'obscurité, d'un magma en mouvement surgissent soudain les éléments du conte traditionnel: une rose rouge, un monstre, puis finalement Belle.
La Bête cherche à inspirer de l'amour à Belle, mais ayant été enfermé et privé du contact des hommes pendant longtemps, il ne sait pas bien s'y prendre. Voiles de mariée, peaux de bêtes, fleurs séchées, chaussures à talons... Au son de "My body is a cage" de Peter Gabriel, il la recouvre de maints artifices matériels mais aussi inutiles les uns que les autres. La Belle se trouve prisonnière dans la cage de sa beauté "à talons", où elle s'ennuie à mourir, et ne ressent pas d'amour pour la Bête.
En effet, dans La Belle et la Bête, la magie des contes traditionnels. où la belle (et passive) princesse tombe amoureuse du prince charmant au moment même où celui-ci entre en scène ne s'opère pas. La Bête a beau se démener pour faire sortir cette magie de ses mains, à la manière d'un apprenti sorcier, rien n'y fait.
La chanson de Peter Gabriel permet à la Belle de se débarrasser du carcan d'atours qui l'emprisonne dans la cage des apparences, alors qu'elle prend la plume pour en écrire les paroles. Alors, peu à peu, portés par une ambiance sonore aux mille et une sensations, les corps se fuient, se découvrent et se rencontrent. Finalement, la laideur et la beauté fusionnent, la Bête devient humaine et la Belle laisse libre cours à sa part plus animale; on apprend à maîtriser ses peurs et on se laisse séduire par ce que l'on redoutait: on grandit un peu, en somme.
Vous pourrez revoir deux scènes du spectacle que nous avons vu en cliquant sur ce lien (impossible d'insérer la vidéo directement dans ce billet; cliquer sur "vidéo" dans le menu de gauche). Et voici pour le plaisir une scène entre Jean Marais et Josette Day dans le film de Jean Cocteau: