Ce spectacle de théâtre vivant, brillamment mis en scène par la réalisatrice Mariana Lézin qui est venue donner au public des clés de ce conte tout au début de la représentation, raconte la rencontre entre une petite fille qui n'a pas de colonne vertébrale et vit serrée dans un corset de bois devenu trop étroit, et un bûcheron solitaire, qui a coupé tous les arbres du pays des arbres.
Tous les arbres, sauf un, mais celui-là, c'est "son sien", le gardien de son passé, de ses souvenirs et des cendres de sa mère qu'il n'a jamais connue. Il a juré de ne jamais le couper. Or pour ne pas mourir étouffée, la petite fille a besoin d'un nouveau corset, plus grand, et seul le bûcheron, par son intervention, peut l'aider à rester en vie.
Commence alors un dialogue entre ces deux êtres que séparent leurs attentes et leurs discours, qui confrontent leurs souvenirs, leurs perceptions et leurs rêves. Un autre dialogue s'établit entre le présent de la narration et les histoires du passé, entre la réalité de la pièce jouée sous nos yeux et l'emboitement de petites histoires dans l'histoire, de piècettes dans la pièce.
Tous les personnages du conte sont présents: les arbres, la forêt, le loup, le bûcheron, la petite fille, les parents et les grands-parents... qui jouent sur les sentiments et les émotions, passant de la tragédie au drame, de la fureur à l'attendrissement, de l'indifférence à l'empathie, de la peur à l'humour... La pièce est par ailleurs placée sous le signe de la métamorphose: métamorphose de la petite fille en femme, du bûcheron solitaire en homme ayant une chenille dans le coeur, des arbres en hommes et des bûcherons en arbres, des louves en femmes et les hommes en loups, alors qu'acteur comme actrice interprètent indifféremment des rôles masculins et féminins.
La petite chenille immiscée dans le coeur du bûcheron se transforme en femme en même temps qu'une petite écharde se glisse dans le corps de ce dernier qui, tout en sauvant la petite fille, se transforme à son tour en végétal et sauve la forêt ainsi que le pays des arbres.
Ce spectacle très riche, à la mise en scène multiple et variée (théâtre, musique jouée en direct, écran animé) s'adresse à des publics de tous âges et pose des questions métaphysiques : qu'est-ce que la normalité? Qu'est-ce qu'un être unique? Où commence la vie et où s'arrête-t-elle? Qu'est-ce que la mort?
La pièce est une mise en scène de l'oeuvre éponyme de Stéphane Jaubertie, conte initiatique truffé de clins d'oeil évoquant certains travers de la société contemporaine. Une chenille dans le coeur, un spectacle de qualité pour les petits et pour les grands, qui a commencé sa tournée au Théâtre de l'Archipel et que vous pourrez voir ou revoir à Alenya le 6 mars, à Marjevols, Nîmes, puis dans le cadre du Festival d'Avignon Off du 4 au 26 juillet 2015.